La rentrée des classes menacée

Publié le : 12/10/2021

Malgré le recrutement de 5000 enseignants annoncé par le gouvernement — et effectif du reste —, l’école sénégalaise a encore un gap de 8000 enseignants à combler en urgence pour une bonne année académique 2021-2022. Une année scolaire qui risque d’ailleurs d’être très mouvementée selon des responsables syndicaux pour qui le gouvernement n’est pas de bonne foi.

L’Ecole va vers une année très mouvementée ! Les syndicats d’enseignants, qu’il s’agisse du côté du Cusems, du Cusems authentique, du Saems et même du Sadef parlent d’une même voix — ce qui est très rare — à propos de cette rentrée des classes. Ils n’entendent plus contenir encore la colère qu’ils avaient jusque-là refoulée pendant près de deux ans du fait de la pandémie de covid-19. Une pandémie qui avait obligé les dirigeants de ces syndicats, en bons citoyens, à observer une pause dans leurs revendications pour permettre au gouvernement de faire face à la crise sanitaire. L’année académique 2021-2022, qui a officiellement démarré hier du préscolaire au moyen, en passant par l’élémentaire jusqu’au secondaire au niveau du personnel enseignant — les élèves reprennent le chemin de l’école jeudi prochain—, est partie pour être instable sinon très mouvementée, selon les syndicalistes. Comme motifs évoqués des perturbations à venir, ils remettent au goût du jour la question du protocole d’accord du 30 avril 2018 qui, selon eux, tarderait à être matérialisé, la situation des enseignants en position de mise en stage, la formation diplômante mais également la question du paiement des rappels sans compter le système de rémunération avec surtout « l’iniquité » notée dans la rémunération des agents de l’Etat.

Last but not least, il y a les difficiles conditions dans lesquelles ils travaillent en zone enclavée surtout avec la surcharge de travail. Selon le secrétaire national à la presse et à la communication du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss), l’école sénégalaise est confrontée à un gap de 8000 enseignants à combler en urgence pour des enseignements-apprentissages de qualité partout et pour tous. Il donne l’exemple de Kaolack commune où l’on parle d’un besoin de 300 enseignants à satisfaire rapidement. Même chose à Matam qui a connu une «saignée» avec les mouvements nationaux qui ont fait que les enseignants qui y servaient sont retournés à l’intérieur du pays, entre Saint Louis, Thiès et Dakar.

Des régions périphériques comme Kédougou, Ziguinchor, Sédhiou sont aussi grandement et gravement touchées. Et même la région de la capitale, Dakar, n’est pas épargnée par cette pénurie d’enseignants. Les mouvements de personnel étant terminés, explique Tamsir Bakhoum, beaucoup d’écoles vont devoir travailler en sous-effectifs tandis que d’autres ne pourront tout simplement pas démarrer les cours normalement. Ce sous-effectif est également noté au niveau national et aurait amené certaines écoles à réduire les emplois du temps par matière. «Nous avons fait le tour du Sénégal. Partout où nous étions, il y a la réduction des emplois du temps. Si les élèves doivent faire 6 heures de cours dans une matière donnée par semaine, ils n’en font que quatre. Les responsables d’établissements procèdent ainsi pour masquer le manque d’enseignants. Il y a aussi les abris provisoires qui ne sont toujours pas résorbés malgré les promesses du gouvernement».

 Tamsir Bakhoum, en plaidant pour un «recrutement massif par le biais d’un processus non biaisé au contraire de qu’ils ont fait pour le recrutement de 5000 enseignants», s’est aussi indigné de la situation des enseignants mis en position de stage sans manquer d’évoquer la formation diplômante ou le non-paiement des indemnités des examens du Bfem et du Baccalauréat et les rappels dus aux enseignants. «Nous disons sans risque de nous tromper que le gouvernement ne fait pas preuve de bonne foi. Pendant les vacances scolaires, nous avons assisté à des situations diverses à l’image de celle du collectif des enseignants en position de mise en stage, du recrutement des enseignants qui a été fait à travers un processus biaisé, des enseignants qui ont participé avec dynamisme et responsabilité aux examens sans que les indemnités aient été payées». Le secrétaire national à la presse et à la communication du Saemss dénonce surtout les lenteurs administratives qui, dit-il, ont fini de plomber les carrières d’enseignants complètement démotivés.

80 milliards de frs de rappels dus aux enseignants

« Ce sont des milliers d’enseignants qui attendent toujours leurs actes d’intégration, de validation... Ces actes sont projetés sur la masse salariale de l’enseignant. Ce qui fait qu’il y a des rappels de plus de 80 milliards que l’Etat doit aux enseignants», soutient-il tout en indiquant qu’il n’y a pas de points clairs qui pourraient empêcher les enseignants d’aller en grève. Selon le chargé à la presse et à la communication du syndicat dirigé par Saourou Sène, le chef de l’Etat, Macky Sall, leur avait dit avoir reçu une étude du Cabinet MGP-Afrique et une autre étude complémentaire effectuée par l’Ige montrant une «iniquité dans le traitement salarial des agents de la Fonction publique. Lesquelles études de terrain seraient commanditées pour des correctifs à cette situation d’iniquité dénoncée par les responsables du Saemss et du Sadef (Syndicat autonome pour le développement de l’éducation et de la formation). Il en est de même pour le non-respect du protocole d’accord en date du 30 avril 2018.

A en croire le secrétaire général du Sadef, Mbaye Sarr, le système éducatif national est à plusieurs vitesses, produisant des inégalités entre les enseignants (fonctionnaires et décisionnaires) et s’étirant jusqu’à la retraite. «On lutte contre l’injustice», a martelé le secrétaire général du Sadef, M. Sarr, qui dénonce la situation des directeurs et directrices des cases des tout-petits qui ne bénéficient d’aucune indemnité. Or pour le développement de la petite enfance dans notre pays, indique-t-il, ces responsables d’écoles méritent plus de considération. Son syndicat entend porter le combat afin que ces directeurs et directrices puissent bénéficier des indemnités de sujétion au même titre que ceux de l’élémentaire, des collèges et des lycées. Car, estime Mbaye Sarr, «ils ont les mêmes droits».

Risque de perturbations majeures

Au vu donc de tous ces manquements, «on peut dire que nous allons vers une année instable», alerte M. Bakhoum. Surenchérissant, Mbaye Sarr annonce une année très mouvementée. Tus soutiennent qu’il y aura bientôt un combat contre le gouvernement pour le respect des accords et contre l’injustice dont sont victimes les enseignants ! « Et les hostilités pourraient être déclenchées très rapidement. C’est à dire dès les premiers jours suivant la rentrée des élèves prévue jeudi prochain. «Nous avions déposé un préavis de grève l’année dernière pour alerter, mais nous étions dans un contexte de pandémie. C’était une obligation de participer à la lutte contre cette pandémie et nous avions tu toute polémique. Mais quoi qu’il advienne, le SAEMSS a un préavis qui s’étale jusqu’au 31 décembre 2021, nous pouvons donc déclencher un mouvement à tout moment», a averti Tamsir Bakhoum tout en informant que le Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal va se réunir, le samedi 16 octobre, en commission administrative pour décider de la position du syndicat par rapport au suivi à réserver au préavis de grève déposé.

Le Cusems Authentique n’est pas en reste dans cette levée de boucliers. Se syndicat dont le préavis expire dans deux jours (le 14 octobre) va faire la même chose que le Saemss. «On va discuter avec les enseignants sur un nouveau préavis», confie Dame Mbodj. Sur ce, les syndicalistes demandent au chef de l’Etat de donner des instructions fermes et de prendre des mesures urgentes par rapport aux lenteurs administratives, à la formation diplômante, à la situation des enseignants en position de mise en stage. Ils demandent surtout au président Sall de convoquer rapidement des ateliers de partage sur le système de rémunération d’agents de l’Etat, et d’aller vers un recrutement de masse pour des enseignements de qualité à l’école. Bref, comme le dit Tamsir Bakhoum, les syndicats d’enseignants veulent pousser le gouvernement à changer d’’orientation pour faire de l’Education une surpriorité. Vaste chantier, assurément !

Voir aussi