MBOUGAR SARR, un Goncourt à notre secours

Publié le : 08/11/2021



La semaine a été marquée par le prestigieux prix Goncourt attribué à l’écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr ce mercredi pour son livre « La plus secrète mémoire des hommes ».

De l’audace, de l’intelligence, du renouveau, il nous en faut et c’est une fierté pour le Sénégal mais aussi pour toute l’Afrique, car outre le fait d’être le premier écrivain d’Afrique subsaharienne à remporter le Goncourt, Mbougar Sarr est aussi l’un des plus jeunes auteurs à être primé par le jury. Vous conviendrez qu’en ces temps difficiles et dans un contexte socioculturel où les imbéciles sont légion, il faut mettre un point d’honneur à célébrer les bonnes nouvelles.

Cette distinction de Mbougar Sarr est une chance pour chacun des Sénégalais qu’elle invite à la philosophie et à l’ouverture d’esprit. Ce Goncourt vient aussi au secours de toute une jeunesse sénégalaise, qu’il encourage à se mettre à l’œuvre, pour réveiller une société désillusionnée et fatiguée où le savoir est dévalué et la lecture reléguée au second plan.

La bêtise est bien une constante de l’humanité et les médias sociaux chez nous en livrent chaque jour des exemples très frappants.

Alors que la revendication de liberté pour un écrivain est légitime et qu’écrire c’est secouer le joug de l’opinion et des idées, ne voici pas qu’aussitôt distingué, notre compatriote se retrouve au centre d’une polémique homophobe sur des réseaux sociaux, qui en degré de pensée, sont zéro !

Mêlant la fiction et le réel, les romans de Mbougar Sarr évoquent successivement des sujets graves tels que le jihadisme ou la condition faite aux homosexuels dans la société patriarcale sénégalaise, mais aussi des thèmes existentiels comme l’énigme de l’existence et l’amour.

Son écriture inventive et foisonnante est une magnifique exaltation de la langue française et c’est bien là la consécration d’un amoureux des belles lettres, d’un esprit philosophique brillant, doué d’une élégance qui sait se faire transgressive par moment pour atteindre une littérature de la résistance morale.

Est-ce parce qu’il est un surdoué ou parce qu’il éveille notre liberté de conscience qui demeure une idée neuve en Afrique, qu’il attise aussi la haine et la convoitise ? Toujours est-il qu’il est la preuve que le système éducatif sénégalais dont il est issu n’a pas été contaminé par l’obscurantisme et le populisme ambiants, et qu’une nouvelle génération de jeunes Africains est née, prête à prendre part à la conversation mondiale sur le front des idées et à réclamer des actes à la hauteur des menaces qui pèsent sur son avenir.

Notre président Macky Sall, certain que ce prix Goncourt consacre notre compatriote dans la cour des grands, sur les traces de Senghor ou Hampâté Bâ, a salué une « belle consécration qui illustre la tradition d’excellence des hommes et femmes de lettres sénégalais ».

Et si cette élévation, même symbolique, bénéficiait réellement au Sénégal ? Si elle incitait les jeunes à mettre de côté leur rancœur pour se mettre au travail ?

Être jeune Sénégalais aujourd’hui peut s'avérer un défi de tous les jours et pourtant, la jeunesse reste la plus belle des promesses. La vraie question qui se pose aux jeunes aujourd’hui c’est d’avoir le courage de chercher la vérité et de ne pas subir la loi du mensonge permanent, des préjugés et des haines.

Ce ne sont pas les combats qui manquent ici au Sénégal. L’éducation, la pauvreté, l’égalité des chances, la santé et l’environnement au tout premier plan, le droit des minorités, celui des femmes, ceux de la planète... Nous avons du pain sur la planche, ayons le cœur à l’ouvrage !

Il est temps que naisse derrière notre jeune Prix Goncourt, une grande génération de citoyens, d’artistes, d’intellectuels noirs qui prendrait part aux idées et au renouvellement de la société, sans forcément tout casser, mais toujours le poing levé.



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