Problèmes d’effectifs et de moyens : Uvs, la crise n’est plus virtuelle

Publié le : 29/04/2021

La situation à l’Uvs, mise en place pour accueillir un maximum d’étudiants, serait devenue très inquiétante. Les plaintes et complaintes des étudiants, enseignants et du Pats annoncent des semaines très tendues.

Par Justin GOMIS – A l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs), les problèmes sont devenus réels. Après les enseignants, les étudiants et le Personnel administratif, technique et de service ont décidé de se mêler au concert de contestations pour dénoncer la situation que traverse l’institution, qui voit ses effectifs hausser à chaque rentrée. « Après la décision du Gouvernement du Sénégal d’orienter plus de 21 mille étudiants soit 30% du nombre total des bacheliers de l’année académique 2019-2020 à l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs), le ministre de l’Enseignement supérieur avait pris des engagements devant le Conseil académique pour accompagner cette montée en puissance de l’effectif des étudiants », rappelle le Pats de l’Uvs. Il s’agit de la livraison du siège de l’Uvs à Diamniadio et de 10 Espaces numériques ouverts définitifs durant le 1er trimestre de 2021, la mise à disposition d’ordinateurs à temps, pour tous les nouveaux bacheliers constituant la Promotion 8, un appui budgétaire de 4 milliards supplémentaires, le recrutement de nouveaux enseignants, le renforcement de l’infrastructure technologique pour un montant de 200 millions.

Aujourd’hui, où en est-on ? « Après 6 mois d’attente, le constat n'est qu’aucun de ces engagements n’a été respecté. Autant dire que la situation n’a pas changé dans le sens souhaité. Et la forte probabilité d’accueillir près de 1000 autres nouveaux bacheliers (des forclos) de la part de notre ministère de tutelle laisse présager, de toute évidence, une année académique particulièrement éprouvante. Cette massification incontrôlée vient, par ailleurs, réduire à néant les prévisions et objectifs fixés contenus dans notre Plan stratégique de développement pour la période 2018-2022», expliquent les travailleurs de cette université. Alarmistes, ils enchaînent : «L’Uvs avec 20 mille étudiants orientés ces deux dernières années, soit 10 mille en 2018 et autant en 2019, éprouvait déjà des difficultés pour les prendre en charge correctement. Avec les bacheliers de 2020, le nombre a plus que doublé atteignant 21 mille pour une seule année. En 2014, le nombre d’étudiants était de deux mille (2000), aujourd’hui, nous sommes à plus de 50000 étudiants, ce qui fait de l’Uvs la deuxième université après l’Ucad en termes d’effectif. Ainsi, si le budget n’est pas augmenté conséquemment, tout ce qui a été bâti pendant des années risque de s’écrouler car l’institution croule sur le poids de la dette, elle a des encours dépassant le milliard.»

Jusqu’ici, les bacheliers attendent le début des cours. Mais, la situation semble figée. «Il convient de préciser qu’au stade actuel des choses, le Mesri I ralentit le fonctionnement de cette université pour laquelle nous nous sommes donnés tant de mal, depuis sa création en 2013. Nos 21 mille nouveaux étudiants présents sur l’ensemble du territoire national attendent toujours leurs outils de travail (ordinateur portable, modem et puce de connexion) pour enfin commencer leurs cours sur la plateforme pédagogique», informent les travailleurs de l’Uvs, qui prennent le Mesri «pour unique responsable de tout dysfonctionnement noté et l’invite à procéder, dans les meilleurs délais, au règlement définitif de tous ces problèmes qui risquent fortement de perturber le calendrier académique».

Dialogue de sourds
Dimanche, le Saes avait fait une sortie au ton identique. Le syndicat, qui alerte sur la dangerosité de cette politique de massification sans accompagnement sérieux, soutient que « cette situation affecte considérablement le fonctionnement actuel de l’institution et risque de porter atteinte à sa crédibilité acquise au prix de très grands sacrifices de l’administration et des personnels ». Soutenant que l’Uvs n’est pas un «trou sans fond», les enseignants du supérieur notent «que les inconséquences des politiques de l’enseignement supérieur ne peuvent être portées par l’Uvs». «Le Mesri sera tenu pour seul responsable de toute perturbation qui viendrait des membres de la communauté, en particulier des 21 mille bacheliers qui sont, à ce jour, dans l’impossibilité de démarrer leur année académique. Nous alertons l’opinion des difficultés devant lesquelles nous allons inéluctablement si l’Etat ne prend pas très rapidement les mesures et décisions qui s’imposent, notamment le renforcement du budget de l’institution et l’attribution des outils de travail aux 21 mille étudiants», explique le Saes.

En écho, le Mesri estime que «l’Uvs, créée en décembre 2013, a atteint son rythme de croisière et forme aujourd’hui plus de 30 mille étudiants aux niveaux Licence et Master, tout en offrant des renforcements de capacités à la communauté nationale». Vantant le succès de cette université, le ministère soutient qu’elle «se distingue par un taux d’insertion professionnelle très satisfaisant, comme l’indique notamment la réussite de ses étudiants aux concours nationaux». En outre, le ministère rappelle que «l’enseignement à distance est devenue une réalité mondiale et le succès de l’Uvs est tel que ce fleuron, avec son modèle innovant d’Eno, a inspiré plusieurs pays de la sous-région qui se sont lancés dans la création d’universités virtuelles».
justin@lequotidien.sn

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